SEC v Coinbase : quel avenir pour le secteur américain des cryptos ?
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SEC v Coinbase : quel avenir pour le secteur américain des cryptos ?


La tension monte entre l’industrie crypto américaine et la Securities and Exchange Commission (SEC).

Bonne nouvelle : la clarté juridique est inévitable, que ce soit par le biais de la jurisprudence ou d’une nouvelle réglementation adoptée par le Sénat.

Mauvaise nouvelle : cette clarté peut aller dans un sens ou dans l’autre, soutenir ou nuire à l’espace crypto.

La semaine dernière, la SEC a engagé des poursuites contre Binance US et Coinbase, donnant enfin suite aux menaces que Gary Gensler, le président de la SEC, exprime depuis l’année dernière. Leur message principal est le même : « toutes les cryptos, à l’exception du bitcoin, sont des titres et, par conséquent, les sociétés qui les proposent sans être dûment enregistrées enfreignent la loi ». L’enregistrement en question est celui d’un courtier en titres, et tous les acteurs américains du secteur crypto insistent sur le fait qu’il est impossible à mettre en œuvre dans ce secteur.

Binance US a également été accusée d’autres méfaits, comme le mélange des fonds des utilisateurs, mais c’est un sujet pour un tout autre article 😅

Nous avons déjà analysé les grandes lignes des poursuites, notamment les cryptoactifs qui y étaient ou non mentionnés.

Aujourd’hui, nous aimerions vous donner un aperçu de la situation globale qui pourrait nous aider à évaluer l’avenir de l’industrie crypto américaine. Pour ce faire, nous nous pencherons sur l’affaire SEC contre Coinbase et tenterons de répondre à plusieurs questions importantes :

🔻 Jusqu’où va la juridiction de la SEC ?

🔻 Comment la SEC a-t-elle décidé que les cryptoactifs étaient des titres ?

🔻 Quels arguments Coinbase prépare-t-il pour prouver le contraire ?

🔻 Comment les législateurs ont-ils l’intention de réagir ?

🔻 Que se passera-t-il ensuite ?

La juridiction de la SEC ⚖️

Le marché financier américain a une particularité : il est régulé non pas par une, mais par deux agences fédérales :

🔷 la SEC (Securities and Exchange Commission) responsable des valeurs mobilières (titres financiers),

🔷 et la CFTC (Commodity Futures Trading Commission) qui supervise les marché des matières premières (commodities) et les produits dérivés.

La SEC affirme que la plupart des cryptoactifs sont des titres et qu’elle a donc autorité sur le marché des cryptos. La CFTC affirme que les cryptoactifs sont des marchandises et qu’ils relèvent donc de sa propre responsabilité.

Cette rivalité s’est transformée en une véritable guerre de territoire, chaque agence se battant pour le contrôle des cryptoactifs.

Le test Howey 🍊

Savez-vous qest le point commun entre les cryptos et certaines orangeraies cultivées en Floride en 1946 ?

Selon Gary Gensler de la SEC, le business des orangeraies est un bon moyen d’évaluer la nature des cryptos, et elle prouve qu’il s’agit bien de titres.

Oui, nous parlons du test Howey que la SEC a appliqué à un certain nombre de tokens cotés sur Binance US et Coinbase. Ce test tire son nom de l’arrêt historique de la Cour suprême des États-Unis, SEC v. Howey, qui a établi les critères de définition d’un contrat d’investissement.

En 1946, la SEC a intenté une action en justice contre la Howey Company, une entité qui proposait des parcelles de terre à des investisseurs ainsi que des contrats de service pour la culture et la récolte d’oranges.

La Cour suprême a statué que ces contrats pouvaient être considérés comme des valeurs mobilières parce qu’ils impliquaient :

  1. un investissement d’argent
  2. dans une entreprise commune (où les fonds des investisseurs sont mis en commun),
  3. avec une attente de profit,
  4. à tirer des efforts d’autrui.

Depuis lors, le test Howey sert de norme juridique pour déterminer si une offre ou une transaction particulière peut être considérée comme un contrat d’investissement et, par conséquent, un titre financier. Dans le cas échéant, elle déclenchant ainsi l’application de la législation et de la réglementation en matière de valeurs mobilières.

Selon les deux accusations de la semaine dernière, la SEC estime que les cryptoactifs suivants peuvent être considérés comme des valeurs mobilières :

Les attributions litigieuses de la SEC dans l’espace crypto couvrent maintenant plus de 100 milliards de dollars du marché, soit environ 10 % de la capitalisation totale du marché crypto de 1 000 milliards de dollars.

Les arguments de Coinbase🛡️

Comparé à Binance US (et presque tout autre acteur crypto américain), Coinbase est une entité dont les enjeux sont beaucoup plus importants. La société se prépare à un combat juridique depuis un certain temps déjà.

Son PDG Brian Armstrong a exposé à plusieurs reprises ses arguments contre les accusations de la SEC:

📌 en avril 2021, Coinbase est entré en bourse, introduisant le titre $COIN sur le Nasdaq. Comme toute introduction en bourse, celle-ci a été passée au crible par la SEC, qui a examiné minutieusement tous les aspects de son fonctionnement. L’agence n’a pas eu de remarques à ce moment-là ;

📌 en 2022, la SEC a changé d’avis. Depuis lors, Coinbase a eu 30 réunions avec ses représentants, à la recherche de conseils, en vain ;

📌 Re-Howey test: la nature décentralisée de certaines cryptos ne permet pas de les qualifier d' »Entreprise commune« , et l’utilité d’autres cryptos exclut leur nature purement « Attentes de profit » ;

📌 Coinbase ne voit pas d’inconvénient à se lancer également dans le courtage des crypto securities. Elle a même acquis une licence de courtier, mais la SEC refuse de l’activer. Qui plus est, il n’existe pas non plus de règles claires pour les crypto securities ;

📌 en juillet 2022, Coinbase a déposé une demande de réglementation formelle du secteur des cryptos. Le délai de réponse de la SEC expire le 13 juin ;

📌 en l’absence de lignes directrices claires, Coinbase a élaboré son propre ensemble de normes juridiques qu’elle applique aux cryptoactifs qu’elle envisage de coter. Selon l’entreprise, 90 % de ceux ci sont rejetées ;

📌 les déclarations contradictoires de la CFTC ajoutent à la confusion juridique ;

📌 enfin, en s’attaquant à Coinbase, la SEC s’en prend à l’ensemble du secteur des cryptos aux États-Unis, poussant les emplois et les capitaux vers des juridictions plus accueillantes : l’UE, les Émirats arabes unis, le Royaume-Uni, Singapour… etc

Les législateurs se réveillent ✍️

La bonne nouvelle, c’est que la SEC n’écrit pas les lois, elle se contente seulement de les interpréter.

En règle générale, les conflits découlant d’interprétations différentes de la loi sont résolus devant les tribunaux, ce qui pourrait très bien être le cas du statut des cryptoactifs.

Une autre façon de déterminer si le droit des titres financiers doit s’appliquer aux cryptoactifs est d’adopter une nouvelle loi décrivant spécifiquement comment ce nouveau type d’actif doit être traité – et, espérons-le, en utilisant des méthodes plus modernes que le test de Howey de 1946.

Les appels en faveur d’une telle loi se sont multipliés ces derniers temps, notamment après une audition désastreuse à la Chambre des représentants en avril, au cours de laquelle Gary Gensler s’est montré si énigmatique qu’il n’a même pas pu dire si Ethereum était ou non un titre.

Alarmée par les poursuites judiciaires de la semaine dernière, la commission financière de la Chambre des représentants des États-Unis a programmé une audition visant à « apporter de la clarté à l’écosystème des actifs numériques ». Elle se tiendra le 13 juin.

Au début du mois, les représentants républicains McHenry et Thompson ont aussi présenté un projet de loi qui propose une séparation plus claire des pouvoirs entre la SEC et la CFTC et confie les marchés des cryptos à cette dernière.

Que se passera-t-il ensuite ? 🔮

On peut dire que le drame SEC contre Crypto a atteint son point culminant.

À partir de là, soit les législateurs adoptent une nouvelle loi spécifique aux cryptos, soit la décision du juge dans l’affaire SEC contre Coinbase fait jurisprudence.

Quels que soient le ton et le libellé de cette future réglementation, elle apportera de la clarté à l’espace crypto américain, ce qui pourrait mettre un terme à la fuite des cerveaux et des capitaux.

Cependant, les processus législatifs et jurisprudentiels sont lents. Jusqu’à ce que la première ligne directrice claire soit produite, de nombreuses entreprises partiront, et les nouvelles choisiront de s’installer ailleurs.

CryptoQuant a déjà constaté une fuite de $BTC des entités américaines (exchanges, CeFi), et Crypto.com a fermé son service institutionnel aux États-Unis, invoquant un manque de clients.

Le marché des altcoins en subit les conséquences, car des exchanges comme Coinbase et des fintechs favorables aux cryptos comme Robinhood sont poussées à retirer de la liste les cryptos mentionnées dans les actions en justice.

Cela crée une pression de vente non négligeable. Dans le seul cas de Robinhood, on estime que 580 millions de dollars de $SOL, $ADA et $MATIC seront vendus au cours des trois prochaines semaines (un calcul approximatif à partir de 1,3 milliard de dollars d’altcoins détenus chez Robinhood, moins les stablecoins).

Il est également possible que la SEC ne s’arrête pas aux exchanges. Certaines de ses prochaines victimes pourraient être Tether et Circle, émetteurs des principales stablecoins qui sont crucials pour l’écosystème crypto.

Les dégâts seront toutefois limités aux États-Unis, et c’est une bonne chose.

P.S. Pendant que la SEC était occupée à planifier la disparition de l’industrie crypto américaine, la loi européenne MiCA a été publiée au journal officiel de l’UE.

C’est tout dire.