Un regard sur l’approche crypto à l’investissement responsable, qui pourrait un jour remettre en question les normes ESG défaillantes.

Dans le monde de la finance, les bonnes intentions sont souvent éclipsées par la réalité. C’est le cas des normes ESG (environnementales, sociétales et de gouvernance), autrefois présentées comme une lueur d’espoir pour l’investissement responsable.

Cependant, l’ESG est en train d’échouer.

Alors que les investisseurs, en particulier les Millennials, sont prêts à payer une prime pour des investissements labellisés ESG, il n’y a pratiquement aucune garantie qu’ils auront des externalités positives.

Le greenwashing est entré dans notre vocabulaire quotidien pour une raison bien précise : il est effroyablement courant.

Prenons l’exemple de la Deutsche Bank. En 2021, sa filiale de gestion d’actifs DWS a licencié son responsable du développement durable pour avoir dénoncé des pratiques d’écoblanchiment « non prouvées ». Un an plus tard, DWS a vu la police allemande faire une descente dans ses locaux pour la même raison. Le PDG de l’entreprise a été poussé à la démission, et un nouveau s’est empressé de promettre qu’il fallait « rétablir la confiance dans DWS en tant que plateforme. »

Que s’est-il passé ensuite ? En mars 2023, l’ONG Finanzwende a découvert que DWS avait investi environ 850 millions de dollars de ses fonds « verts » dans des entreprises de combustibles fossiles en 2022. Cela a fait de DWS un investisseur « de premier plan » dans les combustibles fossiles, qui, dans le même temps, a fait la publicité de ses fonds comme une porte d’entrée vers la protection de l’environnement 🤦

La Deutsche Bank n’est pas la seule, bien sûr, mais elle illustre ce qui se passe lorsque l’ESG est utilisé comme un simple outil de relations publiques plutôt que comme un véritable engagement. Elle montre également que, quel que soit le degré de conformité des entreprises financières traditionnelles, elles resteront toujours des organisations opaques, où une poignée de personnes prennent des décisions à huis clos.

Dans ce système, seul un dénonciateur ou un journaliste d’investigation peut faire éclater la vérité.

Dans le monde crypto, cependant, les problèmes de prise de décision et d’opacité sont résolus par l’utilisation de la blockchain. Parmi les avantages supplémentaires, il y a l’accessibilité des cryptomonnaies, qui rend l’investissement disponible pour n’importe qui, n’importe où. Cette combinaison a conduit à l’émergence d’un concept appelé ReFi, ou Regenerative Finance.

ReFi vs ESG

Dans certains cas, la GSE s’est transformée en un instrument d’image, ressemblant davantage à des campagnes de relations publiques qu’à de véritables efforts de développement durable.

Puisque les entreprises se concentrent sur l’affichage de la vertu, leurs activités ESG n’ont même pas besoin d’être rentables ou durables à long terme. Cela signifie que des ressources sont gaspillées dans des actions ponctuelles exubérantes, qui peuvent être basées sur des preuves scientifiques très douteuses (voire inexistantes). En l’absence de débat ouvert, c’est ce que nous obtenons 🤷

La ReFi a une autre promesse. Ce concept intègre les pratiques financières avec la responsabilité sociale, la durabilité et la régénération, en utilisant la blockchain pour assurer la transparence et la prise de décision collaborative.

Au cours des deux dernières années, plusieurs initiatives de ReFi ont vu le jour. Bien qu’ils en soient encore à leurs balbutiements, ces projets sont assez nombreux pour être classés en deux groupes – les versions crypto de l’investissement d’impact et du carbon trading.

Les DAOs d’impact

L’investissement d’impact cherche à générer à la fois des rendements financiers et des résultats sociaux ou environnementaux positifs. Il diffère de la philanthropie parce qu’il implique une attente de rendements financiers au moins comparables aux rendements du marché.

Bien que cela puisse faire écho à des éléments de l’investissement ESG, les leçons tirées de cas comme celui de la Deutsche Bank soulignent la nécessité de procéder à des ajustements significatifs. Les technologies Web3, qui s’appuient sur les DAO (organisations autonomes décentralisées) pour la prise de décision et sur la blockchain pour la transparence des flux de valeur, offrent les moyens de remédier à ces lacunes.

Parmi les exemples d’investissement d’impact du ReFi, on peut citer Traditional Dream Factory – un éco-village au Portugal géré par une DAO. Avec l’adhésion de la communauté, les tokens de la DAO donnent le droit d’utiliser les locaux et les équipements du village (logement, eau, etc.), ainsi que le droit de codécider de son orientation et de son développement.

Ou encore la Human DAO, qui gère la plateforme d’externalisation de tâches simples sur le web à des personnes dans les pays en développement. Elle protège un échange équitable de valeur, permettant aux assistants personnels à distance de gagner jusqu’à 400 dollars par mois (ce qui représente une somme non négligeable dans certaines régions).

Bio.xyz aide à financer la recherche scientifique indépendante en biotechnologie 🧬 via différentes DAO et une place de marché numérique Molecule.xyz.

Gitcoin incite les développeurs à participer à des projets open-source « d’intérêt public » et contribue au financement de nombre d’entre eux.

Kolektivo développe un toolkit et une application mobile permettant de gagner et de dépenser des monnaies communautaires, le projet pilote ayant été mené à bien à Curaçao.

Impact Market fournit un revenu de base et des microcrédits à certaines des communautés les plus pauvres du monde, financés par des dons et un système de DeFi farming utilisant la stablecoin Celo cUSD. La nature transfrontalière de la blockchain facilite également la distribution, car les gens n’ont besoin que de leur téléphone pour accéder aux fonds.

Marché numérique du carbone

Un autre domaine du ReFi se concentre sur l’amélioration de la transparence et de l’accessibilité des échanges de crédits de carbone.

Cette pratique permet aux entreprises de compenser leur empreinte carbone en achetant des crédits carbone, preuve de leur contribution aux mesures de la protection de l’environnement.

Le ReFi démocratise le marché de la compensation carbone, jusqu’à présent surtout accessible aux grandes entreprises, en tokenisant les crédits. Des plateformes comme regen.network, toucan.earth ou klimadao.finance donnent accès à un certain nombre d’initiatives, contrôlées par des organisations internationalement reconnues comme Veera, ou par leurs propres efforts.

Regen.network construit également un réseau de DAO qui gèrerait une multitude de projets ReFi.

Le secteur de la ReFi en est encore à ses débuts, et bien que nous comprenions comment la blockchain peut atténuer les problèmes ESG, beaucoup de travail et d’essais et d’erreurs sont encore nécessaires.

Heureusement, l’espace crypto est connu pour son enthousiasme et son rythme rapide, facilité en grande partie par l’approche open-source.

Avec Gitcoin, Kolektivo et Commons Stack (une boîte à outils web3 open-source pour l’approche régénérative des biens publics), davantage de communautés seront en mesure d’appliquer les méthodes web3 pour régénérer leurs économies. En cas de succès, davantage d’investisseurs pourront placer leur argent dans des projets qui rendent le monde meilleur.